Pourquoi #StolenMemory?

Quelles sont les choses que vous avez sur vous en ce moment ? Une montre ? Des bijoux ? Un portefeuille ? Votre téléphone avec les photos et les messages des personnes que vous aimez ? Qu'est-ce que ces objets représentent pour vous ?

Lorsqu'un prisonnier arrivait dans un camp de concentration allemand, les nazis lui confisquaient tous ses biens personnels. Les Arolsen Archives ont encore dans leur collection des objets volés à quelque 2 500 anciens prisonniers des camps de concentration de toute l'Europe. Dans le cadre de la campagne #StolenMemory, les Arolsen Archives collaborent avec des bénévoles pour retrouver les familles de ces victimes des persécutions nazies. L'objectif de la campagne est de restituer les souvenirs déplacés à leurs héritiers légitimes. Plus de 700 familles ont déjà été retrouvées, dont 18 en Belgique.

Dans cette exposition unique, les Arolsen Archives et le MAS présentent une grande collection d'objets volés - les effets personnels originaux de 14 prisonniers des camps de concentration belges. Plongez dans les histoires de leurs propriétaires et découvrez comment vous aussi pouvez faire partie de #StolenMemory !

#Found

Edmond Ameye

Edmond Ameye naquit le 29 juillet 1900 Deerlijk, près de Courtrai. Il était le fils d’un gendarme et avait deux sœurs.

Une fois sorti de l’École Royale Militaire, il servit dans la 14e division d’infanterie en tant qu’officier d’état-major durant la Campagne des 18 jours. Fait prisonnier, Edmond fut déporté dans un camp d’officiers, l’oflag IX-A à Spangenberg, en Allemagne, avant de rentrer chez lui et de retrouver sa famille en 1942. Il rejoignit rapidement la résistance et devint un administrateur de haut rang au sein de l’Armée secrète à Gand. Il tira parti de son instruction militaire pour coordonner des opérations clandestines.

Après la libération spectaculaire de l’agent secret Albert Mélot dans la Papegaaistraat à Gand, les représailles de la SS dans toute la ville ne se firent pas attendre. Le commandant Ameye fut arrêté le 2 août 1944 sur le Korenmarkt (place du Marché-aux-Grains) par l’occupant allemand. Il endura les interrogatoires de la Gestapo pendant des semaines avant d’être déporté au camp de concentration de Neuengamme le 30 août. Il y reçut le matricule de détenu 44 860. Il fut également envoyé dans le camp annexe d’Hanovre-Misburg, où il dut effectuer des travaux de construction et de déblaiement sur le site de la raffinerie de pétrole Deutsche Erdölraffinerie (Deurag), souvent prise pour cible par les bombardements alliés.

En avril 1945, la SS commença à évacuer le camp de Neuengamme et précipita quelque 8 000 détenus dans une marche de la mort vers le camp de Bergen-Belsen. Là, Edmond Ameye succomba à la fièvre typhoïde quelques jours avant la libération du camp par les Alliés. Son corps fut probablement jeté dans un charnier. Edmond Ameye reçut à titre posthume la médaille d’officier de l’Ordre de Léopold II et la Croix de guerre 1940 pour son courage et ses qualités de meneur. Une tombe symbolique porte son nom à Deerlijk, sa commune natale.

Les effets personnels d’Edmond Ameye ont été remis à sa famille en 2019.

Photo: Edmond Ameye (avant-dernière rangée, tout à droite) à l’École Royale Militaire, avec le prince Charles, comte de Flandre (devant, au centre)

Eugène de Villa de Castillo

Eugène de Villa de Castillo naquit le 22 mai 1908 à Gand dans une famille aristocratique désargentée, dont le nom et l’histoire remonte au règne de Charles Quint sur les Pays-Bas espagnols. Eugène vivait à Bruxelles, était marié et sans enfant.

En raison de son engagement dans la Résistance, la Gestapo organisa une vaste souricière et l’appréhenda le 22 mars 1944 dans une brasserie parisienne. Les occupants allemands le ramenèrent en Belgique où il fut incarcéré et torturé pendant de longs mois d’interrogatoires. Le 31 août 1944, Eugène fut déporté au camp de concentration de Neuengamme par le dernier grand convoi parti de Belgique. Il y reçut le matricule 44 782.

Alors que le train se mettait en branle, Eugène parvint à jeter un billet avec un message pour ses proches. Un cheminot trouva le mot d’adieu froissé d’Eugène et le transmit à sa famille qui apprit ainsi son sort. Eugène de Villa de Castillo mourut après la Libération, le 1er juin 1945, et fut enterré dans une fosse commune du cimetière Tiergarten à Lüneburg (Allemagne). En 1956, son corps fut exhumé et sa veuve le fit officiellement identifier à l’aide de son dossier dentaire. La chevalière d’Eugène, inscrite dans les registres de Neuengamme en 1944, porte toujours les armoiries séculaires de sa famille.

Les Arolsen Archives ont rendu la chevalière d’Eugène de Villa de Castillo à sa famille en 2021.

Prosper de Rijcke

Prosper de Rijcke naquit le 25 juillet 1908 à La Clinge (De Klinge) en Flandre-Orientale. Dans les années 1930, il épousa Livina Ryckaert, avec laquelle il eut trois enfants.

Sa plus jeune fille, Juliette, se souvient encore très bien que son père portait toujours sa montre de poche et la regardait souvent pour s’assurer que personne n’arrivât en retard au dîner. En juillet 1944, Prosper retrouva des amis pour boire une bière dans un bar local également fréquenté par des soldats allemands. Lorsqu’il fut l’heure de rentrer, Prosper, légèrement grisé par l’alcool, prit un vêtement qu’il pensait être son manteau et se dirigea vers la sortie. Or il s’agissait non pas de son pardessus, mais d’une veste d’uniforme allemand. La bévue de Prosper fut considérée comme un affront, et il fut arrêté peu après.

Le 8 juillet 1944, les nazis l’envoyèrent d’abord dans le camp de concentration de Bois-le-Duc, en Hollande, où il fut astreint au travail forcé au sein du kommando Philips et fabriqua des torches et des postes de radio. De là, la SS le déporta dans le camp de concentration de Sachsenhausen, puis en octobre dans celui de Wilhelmshaven, un camp annexe de Neuengamme. Les détenus devaient travailler 12 heures par jour pour le chantier naval. La dureté du travail et les conditions de vie épouvantables qui régnaient dans le camp entraînèrent une mortalité effroyable parmi les détenus. Le 30 novembre 1944, un mois après son arrivée à Wilhelmshaven, Prosper de Rijcke mourut. Il avait 36 ans.

Livina n’apprit jamais ce qui était arrivé à son mari bien-aimé. Pas plus que Juliette, qu’il chérissait comme la prunelle de ses yeux. Après son arrestation, Prosper fut jeté dans une cellule de prison et confronté à son sort innommable. Pensant à sa famille, il grava avec un objet pointu le nom de Juliette dans sa montre.

Les effets personnels de Prosper de Rijcke ont été restitués à sa famille en 2016.

Felix Elie Decremer

Felix Elie Decremer naquit le 1er juin 1896 à Hamme-Mille à Beauchevain (Bevekom). Célibataire sans enfant, il était serveur dans un restaurant de Bruxelles.

En 1942, il fut arrêté par les Allemands à l’insu de sa famille et déporté dans un camp de travailleurs forcés, probablement dans la région de Wilhelmshaven en Allemagne, où il fut astreint au travail d’avril 1942 à octobre 1944. On ignore le motif exact de son arrestation : des documents conservés aux Arolsen Archives mentionnent qu’il fut incarcéré pour « raisons de sécurité ».

Le 5 octobre 1944, Felix fut transféré au camp de concentration de Neuengamme, où il reçut le matricule 54 352. Curieusement, il dut porter une étoile de David noire sur sa tenue de détenu alors qu’il n’était pas juif. Les Allemands ont sans doute cru qu’il l’était en raison de son second prénom, Elie.

Le 29 avril 1945, la SS commença à évacuer le camp principal de Neuengamme par des marches de la mort et des convois ferroviaires vers différents camps de rassemblement, tels que Sandbostel, Wöbbelin et Bergen-Belsen. Felix Elie Decremer fit partie des 5 000 détenus des camps de concentration qui périrent quatre jours plus tard, le 3 mai, à bord du paquebot transatlantique Cap Arcona dans la baie de Lübeck, lorsque des bombardiers britanniques le coulèrent. Son corps ne fut officiellement identifié qu’en 1946 à Neustadt.

Les objets personnels de Felix Elie Decremer ont été remis à sa famille en 2019.

Florian Laurent

Florian Laurent naquit le 29 août 1918 à Ciney dans la province de Namur. Il travaillait pour la compagnie des chemins de fer, ce qui lui permettait de connaître les horaires et le fret confidentiels des trains allemands.

Il faisait passer ces informations à la Résistance locale qui les utilisaient pour planifier et coordonner des actes de sabotage. En 1944, Florian fut dénoncé et arrêté. Le 17 mai, les nazis l’envoyèrent dans le camp de concentration de Bois-le-Duc, en Hollande, où il fut enregistré comme détenu politique. Il fut transféré quelques mois plus tard à Sachsenhausen, un camp de concentration au nord de Berlin. Il y fut brièvement affecté dans le tristement célèbre Schuhläuferkommando, un kommando dans lequel les détenus devaient « tester » les chaussures allemandes en marchant jusqu’à 40 Milles épuisants par jour sur un parcours spécial fait de divers revêtements.

En juin 1944, Florian fut transféré au camp de concentration de Neuengamme, où il reçut le matricule de détenu 58 589. Il dut effectuer des travaux physiques exténuants et vivre dans des conditions inhumaines. Fait inhabituel, la SS plaça Florian dans un groupe de détenus polonais, qui portaient tous un triangle rouge sur leur tenue de déportés, ce qui les identifiait comme prisonniers politiques. Sans doute la boucle inférieure du B sur le triangle rouge de sa tenue de déporté s’était-elle effacée, de sorte que le B ressemblait à un P. À la libération, Florian Laurent ne pesait plus que 36 kilos. Il reprit des forces dans un hôpital américain et décida de rentrer à pied en Belgique.

Il s’y installa après la guerre et fonda une famille. Jusqu’à la fin de sa vie, il parla peu de ses expériences en Allemagne, mais garda contact avec d’autres rescapés des camps.

Les effets personnels de Florian Laurent ont été remis en 2018 à sa famille.

Melchior Alfons Oris

Alfons 'Fons' Oris naquit le 26 mars 1920 à Rijkevorsel. Il grandit dans le village et travailla dans une brasserie. Pendant la guerre, il s’engagea dans la résistance.

Le 25 septembre 1944, l’armée britannique venait de franchir le canal Dessel-Turnhout-Schoten et étendait sa tête de pont jusqu’à Rijkevorsel. Ce même jour, Alfons longeait l’Oostmallebaan à quelques centaines de mètres des positions alliées, lorsque les Allemands, qui se repliaient, le repérèrent. Ils avaient obtenu depuis peu une liste de résistants locaux et arrêtèrent Alfons sur-le-champ. Ils commencèrent par l’incarcérer dans la prison de Hoogstraten (Hogstrate) avant de l’envoyer quelques jours plus tard par convoi ferroviaire au camp de concentration d’Amersfoort (Hollande).

Les nazis le déportèrent le 11 octobre 1944 à Salzgitter-Watenstedt, un camp annexe du camp de concentration de Neuengamme, où il reçut le matricule de détenu 65 655. Alfons fit partie d’un groupe d’environ 2 000 détenus qui étaient emprisonnés dans le camp derrière une clôture électrique et étaient forcés de travailler pour la Stahlwerke Braunschweig, une usine d’armement de la Wehrmacht.

Dans les derniers mois de guerre, la SS ne cessa d’envoyer des détenus dans ce camp, ce qui aboutit à un surpeuplement catastrophique. Vers la fin, quelque 5 000 prisonniers durent se battre pour survivre dans des conditions inhumaines. Le 7 avril 1945, la SS commença à évacuer le camp par des marches de la mort ou par transport ferroviaire vers Ravensbrück. La colonne d’Alfons tomba sur des troupes soviétiques et fut libérée. Une fois rentré à Rijkevorsel, il fonda une famille, ouvrit un café et une brasserie et fut un membre apprécié de sa communauté. Alfons Oris mourut en 1993.

Les objets personnels d’Alfons Oris ont été remis à sa famille en 2018.

Justin Pieters

Justin Pieters, fils de meunier, naquit le 14 décembre 1922 à Diepenbeek, dans la banlieue de Hasselt. Comme son frère aîné Maurice, il s’engagea dans la résistance locale et réalisa des missions de sabotage.

Mais leur groupe fut dénoncé à la SS et les hommes furent arrêtés au cours d’une rafle nocturne à Winterslag au cours de l’été 1944. En août, les Allemands enregistrèrent leurs objets personnels au fort de Breendonk – une montre de Justin, une bague de Maurice. De là, les nazis déportèrent les deux frères dans le camp de concentration de Neuengamme, où ils durent effectuer des travaux éreintants dans les usines environnantes.

Fin avril 1945, la SS transporta les quelque 10 000 détenus de Neuengamme à Lübeck, sur le littoral de la mer Baltique, où elle avait réquisitionné des bateaux pour former une flotte carcérale de fortune. Le 3 mai, les frères Pieters survécurent au bombardement allié du paquebot transatlantique Cap Arcona et des cargos Thielbek et Athen, qui avaient plus de 9 000 déportés à bord. Le raid coûta la vie à 7 000 d’entre eux.

Après la libération, les frères, exténués et émaciés, furent rapatriés et accueillis chez eux en héros. Maurice émigra ensuite aux États-Unis, où, dans sa vieillesse, il raconta son histoire bouleversante à un journaliste. La bague de Maurice n’a jamais été retrouvée. Son frère Justin, traumatisé par ses expériences dans les camps, resta dans le Limbourg et décéda en 2004.

Les Arolsen Archives ont remis la montre de Justin Pieters à sa famille en 2022.

Photo: Justin (à droite) et Maurice (à gauche) Pieters en voie de convalescence dans leurs lits d’hôpital

Marcel Uytdenhoef

Marcel Uytdenhoef naquit le 20 novembre 1914 à Merksplas, près de Turnhout. À l’entrée en guerre, Marcel fut enrôlé dans le 3e régiment de lanciers (unité d’infanterie belge) et capturé en France par la Wehrmacht.

Il fut envoyé en Allemagne dans un camp de travailleurs forcés. Marcel ignorait que son frère Louis avait été tué lors du bombardement de Louvain qui signa le début de la Campagne des 18 jours. Lorsque Marcel apprit la mort de Louis à son retour en Belgique, il jura de le venger et rejoignit la Légion campinoise, qui luttait contre l’occupant allemand en menant des opérations de sabotage. Marcel travaillait dans le port d’Anvers le jour durant et faisait passer des vivres pour ses camarades dans la clandestinité.

Le groupe de résistance de Marcel fut dénoncé et arrêté en 1944. Après un bref séjour dans la prison locale, les nazis le transférèrent dans le camp de concentration d’Amersfoort aux Pays-Bas. De là, il fut déporté dans le camp de concentration de Neuengamme, puis, peu après, de Ravensbrück, où la SS avait érigé un petit camp pour les détenus masculins. Ils durent construire et faire fonctionner une chambre à gaz temporaire.

Au printemps 1945, l’Armée rouge libéra les 30 000 détenues et détenus qui se trouvaient encore à Ravensbrück, dont Marcel Uytdenhoef. Exténué par les souffrances endurées, il n’avait plus que la peau sur les os. Les soldats soviétiques envoyèrent Marcel dans un hôpital militaire à proximité, mais il tomba du camion bondé en chemin. Dès lors totalement seul et livré à lui-même, il parvint à survivre plusieurs semaines dans les bois où il se débrouilla pour boire et se nourrir. Il fut finalement retrouvé et rapatrié en Belgique par la Croix-Rouge. Avant la guerre, Marcel était un homme sociable qui respirait la joie de vivre. Mais les camps le marquèrent à jamais. Il resta célibataire et mourut à Berchem en 1969.

Les effets personnels de Marcel Uytdenhoef ont été restitués à sa famille en 2016.

Claire Van den Boom

Claire Martchouk naquit le 20 avril 1902 à Bogapol, en Ukraine, où elle fit des études d’infirmière. Elle épousa Georges Van den Boom, cofondateur du Parti communiste de Belgique, avec qui elle passa deux ans en URSS. En 1923 naquit leur fille Liliane.

En Belgique, le couple était connu pour son militantisme politique. Lorsque les Allemands envahirent le pays, il leur parut naturel de résister en organisant une presse clandestine et en coordonnant des actions de sabotage. Claire fut dénoncée et déportée en 1942. Pressentant ce qui allait lui arriver, elle cacha sa judéité au cours des interrogatoires à la prison de Saint-Gilles.

Le 27 mai, les nazis déportèrent Claire à titre de détenue politique au camp de concentration pour femmes de Ravensbrück. Sa fille Liliane et Georges, son mari, subirent le même sort en 1943 et furent déportés dans des camps de concentration allemands. En septembre 1944, les nazis transférèrent Claire à Helmstedt-Beendorf, un camp annexe de Neuengamme. En avril 1945, elle fut évacuée vers Hambourg et sauvée près de Padborg par les « bus blancs » de la Croix-Rouge suédoise. Son président, le comte Folke Bernadotte, avait négocié avec le Reichsführer-SS Heinrich Himmler la libération des détenus scandinaves.

Claire arriva en Suède le 3 mai 1945 avant de rentrer en Belgique où elle retrouva Liliane et Georges. Après la guerre, Claire Van den Boom fit partie des anciennes détenues de Ravensbrück dont le témoignage contribua à la condamnation des principaux officiers SS du camp par le tribunal militaire de Hambourg. Toute sa vie, elle resta une voix politique importante et se battit pour de nombreuses causes et organisations. Elle fut également membre de la délégation belge au congrès mondial pour l’Année internationale de la femme, qui se déroula en 1975 à Berlin.

Claire Van den Boom mourut en 1991.

Les Arolsen Archives ont remis la montre de Claire Van den Boom à sa famille en 2022.

Photo: Claire Van den Boom et son mari Georges

Jean Woluwe

Jean Lambert Woluwe naquit le 14 mai 1913 à Herstal. Il travaillait comme mouleur dans la fonderie locale. En 1939, il fut mobilisé par l’armée belge et capturé par les Allemands.

Il fut interné en camp de prisonniers de guerre à deux reprises, d’abord à Magdeburg, puis à Dortmund. À chaque fois, Jean parvint à s’évader et à rentrer en Belgique. Toujours fugitif, il quitta le pays en 1941 et voyagea à travers la France et l’Espagne, où il fut incarcéré à plusieurs reprises. Grâce à l’intervention d’un consul belge qui le fit libérer d’une prison à Miranda, Jean rejoignit Lisbonne, où il monta dans un avion en direction de Poole, en Grande-Bretagne. Là, Jean fut recruté par la section T de la Direction spéciale des opérations (Special Operations Executive / SOE), une branche ultra-secrète du gouvernement britannique, chargée de missions clandestines dans l’Europe occupée. Il suivit une formation spéciale au Brickendonbury Manor, près de Hertford, puis fut parachuté en Belgique, afin d’y mener des opérations secrètes derrière les lignes ennemies.

En 1943, il avait participé à plus de 20 opérations militaires et actes de sabotage industriel. Le 30 mars, l’aide de camp Woluwe fut chargé de détruire les vannes des écluses des voies navigables encore ouvertes à la circulation ennemie. Il fut blessé par des balles allemandes lors d’une attaque audacieuse qu’il dirigeait sur une écluse á Menin’ en, mais put placer les charges explosives et faire sauter les vannes. Il tenta d’échapper à la Vlaamse Wacht (une milice flamande) en prenant une identité canadienne. Mais il fut démasqué par un informateur et arrêté le 28 avril 1944. Jean passa par les prisons de Courtrai et Gand, où il fut sévèrement torturé par les Allemands, avant d’être condamné à mort. Les nazis l’envoyèrent au stalag X-B à Sandbostel et le fusillèrent le 26 avril 1945.

Jean reçut de nombreuses distinctions et décorations belges et anglaises pendant comme après la guerre, dont la Médaille militaire britannique et l’éloge du Roi pour conduite empreinte de bravoure (King’s Commendation for Brave Conduct) pour son action sur l’écluse à Menin. Aujourd’hui encore, la Fraternelle des Agents Parachutistes honore sa mémoire.

Les effets personnels de Jean Woluwe ont été remis à sa famille en 2020.

René De Herdt

René Maria Jean De Herdt est né à Anvers le 27 août 1919. Il grandit dans le quartier de Kiel et travailla chez l’Engineering Company situé dans l’lndiëstraat.

Après l'invasion allemande de la Belgique, il fut fait prisonnier de guerre et envoyé travailler dans une ferme en Allemagne. Il revint à Anvers en 1940 et s’engagea dans la résistance armée du Mouvement national royaliste. Le 11 août 1944, la Gestapo arrêta René dans sa maison familiale de la Jan Davidslei, après avoir menacé sa mère et ses frères et sœurs de déportation la veille. Il fut condamné à mort à la prison Begijnenstraat et transporté au Fort de Breendonk. Le 31 août, les SS déportèrent René et d'autres prisonniers politiques au camp de concentration de Neuengamme. Il fut affecté au sous-camp de l'Alter Banter Weg à Wilhelmshaven, où les prisonniers devaient effectuer des travaux forcés dans les chantiers navals de la marine allemande. Début avril 1945, les SS commencèrent à évacuer le camp et contraignirent René à une marche de la mort vers Brême-Farge, puis Hambourg-Rothenburgsort, et enfin vers le camp d'accueil surpeuplé de Sandbostel, où il arriva le 18 avril. Au cours des dernières semaines, plus de 3 000 prisonniers moururent de faim ou de l'épidémie de typhus qui s'était déclarée dans le camp. L'armée britannique libéra Sandbostel le 29 avril 1944.

Après une convalescence à Kalmthout, René De Herdt revint à Kiel et reçut de nombreuses distinctions pour sa bravoure et ses services dans la résistance armée, dont la Croix de Chevalier dans l'Ordre de Léopold II, ornée d'épées croisées. Il épousa Valentine et fonda une famille. Plus tard, il parcourut le monde dans le cadre du trafic de tramp et devint grutier et mécanicien de remorqueurs dans le port d'Anvers. René décéda à Ekeren en 1999. Il fut enterré au cimetière Schoonselhof à Hoboken.

Exempté du service militaire, le fils unique de René rendit hommage à son père en s'engageant dans les Para-Commandos.

Le jour de son arrestation, la Gestapo dressa un inventaire des biens personnels détruits de René De Herdt, dans lequel figure également sa montre. La montre survécut et suivit René à Neuengamme. Elle revint à Anvers le 4 mai 2023.

René Vandelsen

René Vandelsen est né à Gand le 2 mai 1921. Il vécut avec sa mère Cesarina Van den Eede, qui divorça de son mari Jozef Vandelsen en 1936.

La mère et le fils étaient domiciliés à Anvers avant que René soit parti pour Liège, où il travailla comme serveur. En 1940, il s'installa à Bruxelles. Pour autant que l'on sache, il n'eut ni femme ni enfant. Le 28 avril 1944, les nazis arrêtèrent René pour avoir fui l'Allemagne où il travaillait comme ouvrier. En raison de son refus de travailler, il fut déporté au camp de concentration de Neuengamme, où il reçut le numéro de prisonnier 59 343. René Vandelsen mourut d'une « insuffisance cardiaque » le 12 janvier 1945. Les circonstances exactes de son emprisonnement et de sa mort ne sont pas connues.

Après la guerre, Cesarina demanda officiellement au ministère belge de la Reconstruction de reconnaître son fils comme prisonnier politique à titre posthume. Comme René était parti volontairement en Allemagne, ses demandes répétées furent rejetées. Cesarina finit par se remarier. Son frère Desiré Van den Eede, qui possédait un magasin à Anvers, fut son témoin de mariage, comme il l'avait été lors de son premier mariage avec Jozef Vandelsen. C'est grâce à ses relations étroites avec Desiré que nous avons pu retrouver les proches de René Vandelsen.

Les effets personnels de René Vandelsen ont été rendus à sa famille le 4 mai 2023, à Anvers.

Franciscus Broothaers

Franciscus Broothaers est né le 9 avril 1925, cinquième d'une famille de onze enfants. Sa famille vivait à Rumst, une petite ville près d'Anvers.

Pendant l'occupation allemande de la Belgique, la famille Broothaers fut confrontée à des difficultés économiques. C'est pourquoi le père et les enfants plus âgés - dont Franciscus - se furent portés volontaires pour travailler dans le Reich allemand.

Lorsque le père voulut rentrer chez lui avec deux de ses fils à la fin de l'été 1944, ils furent trahis, arrêtés et déportés au camp de concentration de Sachsenhausen. Quelques semaines plus tard, les nazis les transférèrent au camp de concentration de Neuengamme. Les deux frères furent envoyés dans le sous-camp de Watenstedt/Leinde, où ils furent astreints à des travaux forcés dans les aciéries de Braunschweig. Nous ne savons pas ce qui est advenu du père.

Peu avant la fin de la guerre, le 8 mars 1945, Franciscus Broothaers fut assassiné à l'âge de 19 ans, battu à mort, selon un rapport de son frère. Il fut enterré dans le « cimetière des étrangers » de Jammertal à Salzgitter.

En 2012, un neveu de Franciscus Broothaers tenta de retracer l'histoire de la famille. Ses recherches le conduisirent aux Arolsen Archives, où il retrouva le stylo à plume bleu de son oncle.

La famille décida d'offrir ce souvenir au Mémorial de Drütte afin qu'il soit commémoré sur place.

Karel de Ceur

Karel "Charles" De Ceur est né le 21 février 1903, à Blankenberge, sur la côte belge. Il était électricien de profession et un des leaders du groupe de résistance Vrij Belgïe.

Lui et son épouse Johanna "Jeanne", également active au sein de la résistance locale, avaient une fille. En 1943, Karel fut arrêté par la Gestapo et déporté en Allemagne, où il passa presque deux ans incarcéré à la prison de Gross-Strehlitz, en Haute-Silésie. Les SS le transférèrent ensuite à Esterwegen, Wolfsbüttel, puis à la prison de Brandenburg-Görden où il fut libéré par l'armée soviétique, le 27 avril 1945. Karel regagna alors la Belgique et en 1946, il fut décoré de la croix de guerre et de la croix de chevalier de l'ordre de Léopold II. Karel De Ceur décéda en 1951.

La montre de poche de Karel De Ceur a été restituée à sa famille en 2017.

Josefine Deweer

Josefine Zoé Deweer est née probablement le 9 mars 1920 à Bellingen, dans le Pajottenland. A une date inconnue, elle partit travailler en Allemagne dans un hôtel/restaurant à Lünenburg, son nom figurant dans une liste reprise dans un registre de la sécurité sociale (Allgemeine Ortskrankenkasse).

En novembre 1944, elle passa deux jours à l'hôpital de Lünenburg. Puis, pour une raison inconnue, en janvier 1945, la Gestapo plaça Josefine en détention préventive et elle fut incarcérée à la prison de Lünenburg. Les nazis la déportèrent ensuite au camp de travail de Wilhelmsburg, dans le port d'Hambourg, un camp dirigé par la police. Quelque 5000 « ennemis et indésirables » y furent « ré-éduqués par le travail » entre 1943 et 1945. Josefine parvint à survivre l'épreuve et à regagner la Belgique.

Les effets personnels de Josefine Deweer ont été restitués à sa famille en 2019, à Herne.

Emile Burm

Emile Polydor Burm est né le 5 décembre 1919, à Grimbergen. Il faisait partie d'une famille de bateliers et vivait sur la péniche de ses parents, Quai des Anglais à Nimy, près de Mons.

Emile était un homme simple et travaillait comme terrassier aux ponts et chaussées. En 1943, Jules Libert, un Nimysien pro-allemand, profita de la nature crédule d'Emile pour lui faire croire que s'il ne se portait pas volontaire pour aller travailler en Allemagne, son père serait alors contraint d'y aller à sa place. Afin de protéger son père, le 1 février 1943, Emile partit travailler dans une usine à Nuremberg. Une fois sur place, se rendant compte de sa situation, Emile refusa alors à plusieurs reprises de continuer à travailler.

Ces actes d'insubordination lui valurent deux séjours successifs dans la prison locale. Mais Emile, refusant encore et toujours de reprendre le travail, fut alors arrêté par la Gestapo et envoyé au camp de concentration de Dachau, en tant que prisonnier politique. De là, il fut transféré à la prison d'Augsburg, avant d'être à nouveau envoyé à Dachau, ensuite au camp de Neuengamme et enfin au camp de Bergen-Belsen, où il fut libéré par les forces britanniques, le 15 avril 1945.

S'appuyant sur le fait qu'il était volontairement parti travailler en Allemagne, les autorités belges ne lui reconnurent jamais le statut de prisonnier politique.

Les effets personnels d'Emile Burm ont été restitués à sa famille en 2023, à Mons.

Pierre de Jaraczewski

Pierre de Jaraczewski est né le 27 décembre 1906 à Buenos Aires, Argentine. Ingénieur commercial diplômé de l'ULB, il travaillait pour le Groupement principal de l'industrie chimique à Bruxelles.

Pierre vivait avec sa famille à Uccle et était un membre respecté de la haute société. Dénoncé pour son implication active dans la résistance, il fut arrêté et incarcéré à la prison de Saint-Gilles. Le 31 août 1944, quelques jours avant la libération de Bruxelles, Pierre fit partie du tout dernier convoi de déportés à quitter la Belgique à destination du camp de concentration de Neuengamme. Quelque 2000 prisonniers politiques se trouvaient à bord.

Après avoir quitté la gare d'Anvers-Est, au passage de la frontière hollandaise, une poignée d'hommes parvinrent à forcer la porte de leur wagon à bestiaux et à sauter du train en marche. Parmi eux, Pierre de Jaraczewski. Les prisonniers réussirent leur évasion, au passage d'un tronçon de la voie ferrée, situé entre Essen et Roosendaal. Ils furent ensuite aidés par des policiers locaux ayant des liens avec la résistance hollandaise et cachés jusqu'à l'arrivée des forces alliées.

Après-guerre, Pierre de Jaraczewski fut décoré de la Croix de Guerre 1940 sur la Grand-Place de Bruxelles, pour bravoure et services rendus à la patrie. Il écrivit un livre racontant ce qu'il avait vécu, intitulé « Echappé belle : souvenirs de prison et d'évasion », qui fut publié en 1945.

Les effets personnels de Pierre de Jaraczewski seront restitués à sa famille en 2023, à Bruxelles.

Photo : Pierre de Jaraczewski recevant la Croix de Guerre, Grand-Place de Bruxelles.

Edward Szotek

Edward Szczepan Szotek est né le 21 mai 1911 dans la ville polonaise de Bukowno, entre Katowice et Krakau. En 1937, il émigra avec sa femme Stanislawa "Stephanie" Lubaczka et leur jeune fils, Szczepan Edward "Eddy", à Eisden, où Edward travailla comme mineur.

En 1940, il fut envoyé à la mine de Bottrop en Allemagne pour y effectuer des travaux forcés.

En août 1944, Edward fut détenu à la prison de Saint-Léonard à Liège, où il fut dépouillé de sa tabatière et de son couteau de poche. Le motif de son arrestation n'est pas clair. Il fut ensuite transféré à la prison de la Wehrmacht au Camp de Beverloo. Au cours de l'été 1944, les nazis le déportèrent au camp de concentration de Neuengamme, où sa montre lui fut confisquée. Des documents du camp suggèrent qu'en septembre 1944, il fut affecté au camp extérieur de Blumenthal-Schützenhof à Brême. Ce camp accueillait des Juifs hongrois, ainsi que des prisonniers politiques polonais, belges, français et soviétiques. Les travaux forcés et les conditions inhumaines y étaient très pénibles. En avril 1945, le camp fut évacué par les SS.

Nous ne savons pas ce qui est advenu d'Edward Szotek. Aucune carte de rapatriement n’a été retrouvée après la guerre, et aucune demande officielle n’a été faite pour une présomption de décès ou une reconnaissance en tant que prisonnier politique. Nous supposons qu'Edward Szotek est décédé dans le camp de concentration.

Stephanie, la femme d'Edward, décéda en juillet 1947. Leur fils Eddy resta à Eisden avec ses parents adoptifs polonais et finit par fonder sa propre famille. Bien qu'il parle rarement du passé, il passa sa vie à chercher des traces de son père disparu, sans succès.

La montre d'Edward Szotek a été restituée à son petit-fils René le 2 mai 2023.

#Searching

Support us
En savoir plus