Documenter et archiver
Pendant des dizaines d’années, les employés des Archives d’Arolsen ont utilisé les documents originaux datant du temps du national-socialisme pour leurs travaux de recherche et de documentation. Aujourd’hui, ces fonds représentent des archives de valeur historique qui permettent de maintenir le souvenir des victimes des persécutions. L’équipe a maintenant pour tâche de protéger les documents et de les conserver pour les générations futures : ils sont numérisés, conservés, des mots-clés leur sont attribués et ils sont classés scientifiquement, afin de pouvoir être plus facilement utilisables pour la recherche, la formation et les demandes de renseignement, ainsi que plus facilement trouvables dans les archives en ligne.
Entre 1933 et 1945, sous la domination national-socialiste, des millions de personnes ont été déportées et tuées. Les archives les plus vastes concernant les victimes du national-socialisme ont vu le jour à Arolsen, afin de faciliter la recherche de personnes disparues et d’éclaircir les destins : plus de 30 millions de fichiers, de fiches et de listes concernant les victimes de l’holocaustes, les détenus des camps de concentration, les travailleurs forcés étrangers et les survivants. Le fichier central des noms à lui seul contient plus de 50 millions de fiches. Plus de trois millions de dossiers de cas renferment des correspondances vers les destins de victimes isolées des persécutions du national-socialisme. Les fonds originaux appartiennent depuis 2013 au programme « Mémoire du monde » du patrimoine mondial de l’UNESCO.
« Les documents de Bad Arolsen représentent un véritable mémorial qui honore les millions de victimes de l’holocauste et des autres crimes perpétrés par les nazis. »
Thomas Buergenthal, survivant
La collection des Archives d’Arolsen comporte trois thèmes principaux : des informations concernant l’emprisonnement se trouvent dans les fonds documentaires des camps de concentration et d’extermination, des ghettos et prisonniers de la gestapo. Les renseignements concernant le sort des travailleurs forcés se trouvent entre autres dans des manuels et fiches minutieusement remplis. Le fonds documentaire concernant les survivants libérés, appelés « Displaced Persons » par les Alliés, est également immense.
Faites-vous une idée de l’ampleur de notre collection par le biais d’une visite virtuelle de nos salles d’archives :
Comment les documents sont-ils parvenus dans les archives ?
Lors de la fondation de l'institution en 1948 sous le nom International Tracing Service (ITS), les employés n'avaient que peu de documents originaux à disposition pour leur travail. Pourtant, cela a vite changé.
Afin de documenter les marches de la mort auxquelles de nombreux prisonniers de camps de concentration furent forcés, l'ITS a envoyé des questionnaires à des centaines de communautés et à d'anciens prisonniers. Le rassemblement de documents d'instructions et une collecte semblable de centaines de questionnaires, dans lesquels d'anciens prisonniers fournissaient des renseignements sur des lieux de détentions peu connus, firent partie des premiers documents à Arolsen.
Après la dissolution des bureaux de recherche locaux au début des années 50, de précieuses collections sont parvenues à Arolsen. Les documents sauvés par les alliés et les survivants de Buchenwald, Dachau, Mauthausen et d’autres camps de concentration en faisaient partie, tout comme des centaines de milliers de listes de travailleurs forcés étrangers, ainsi que des documents d’enregistrement de travailleurs forcés. Enfin, fin 1952, plus de 30 tonnes de documents provenant des Alliés concernant des personnes déportées arrivèrent à Arolsen.
Néanmoins, les archives ne contenaient pas seulement des originaux, mais également des millions de copies. Ces copies sont partiellement conservées. Ce n’est pas le cas des originaux. Afin de donner de meilleurs renseignements concernant les travailleurs forcés étrangers et les victimes de l’holocauste provenant d’Europe centrale et de l’est, après 1990, les employés ont voyagé à travers l’Europe et ont réalisé des milliers de copies de documents.
Un autre fonds très important est ce que l’on appelle la correspondance des fichiers des Archives d’Arolsen. Cela comprend la correspondance entre les demandeurs et notre institution. Les demandes venaient également souvent de représentants juristes ou d’administrations. Les récits, certains très personnels, des victimes de persécutions du national-socialisme ainsi que de leurs familles sont les témoins des conséquences de l’histoire du national-socialisme jusqu’à nos jours. À travers les décennies, ils sont devenus d’eux-mêmes de précieux documents historiques, car ils contiennent par exemple des informations sur les victimes du national-socialisme dont nous n’aurions aucune trace autrement.
Vous avez des questions d’ordre archiviste ? Ou êtes-vous à la recherche d’un interlocuteur pour d’éventuelles coopérations ou manifestations ? Pour toute autre question ainsi que pour les autorisations de publication, veuillez utiliser notre formulaire de contact.
Numérisation : conserver des documents pour l’avenir
En 1998, à Bad Arolsen, les employés ont commencé à numériser les documents. Aujourd’hui, entre 85 et 90 % des fonds sont déjà scannés, un pourcentage que peu d’autres archives atteignent. Les documents et les processus numériques aident non seulement à accélérer les renseignements, mais permettent également un accès totalement différents aux documents dans les salles de lecture de Bad Arolsen, auprès de partenaires sélectionnés et dans nos archives en ligne.
« La numérisation croissante de documents et des témoignages de l’histoire permet aux individus d’obtenir un accès plus rapide aux fonds d’archives. Et ainsi, de pouvoir effectuer des recherches plus précises sur les détails propres aux histoires et sur les événements du nazisme et de l’holocauste. »
Joël J. Cahen, historien, conservateur et ancien directeur du Musée de l'Histoire Juive à Amsterdam ainsi que fondateur du Musée national néerlandais de l'holocauste.
En même temps, la numérisation aide à la conservation de la collection : les documents originaux fragiles sont utilisés exceptionnellement uniquement et tout métal pouvant être potentiellement dommageable est retiré, puis les documents sont à nouveaux emballés. Les feuilles libres, questionnaires, fiches d’information et livres reliés en différents formats doivent être scannés de manière à préserver le papier autant que possible. Pour cela, des stations de scannage spéciales se trouvent au sein des Archives d’Arolsen.
Indexation
Comment adaptons-nous les informations d’indexation aux besoins modernes de la recherche ? De quels documents ont besoin les scientifiques qui souhaitent faire des recherches sur les marches de la mort ? Et de quelles informations les utilisateurs des archives en ligne ont-ils besoin, en sachant que souvent, ils ne sont ni historiens ni archivistes ? Ces sujets sont traités par l’équipe « d’indexage archiviste » au sein des Archives d’Arolsen : les historiens et archivistes travaillent de manière à expliquer tous les documents dans leur contexte initial.
Un projet titanesque : recueillir numériquement tous les noms et toutes les informations
En raison des travaux de recherche et de documentation permanents, les noms sont, aujourd’hui encore, une clé de recherche importante du fonds d’archives. Chaque document isolé est et sera évalué en fonction et son indexation offrira de nouvelles approches aux chercheurs pour leur travail. Pourtant les journalistes, scientifiques et pédagogues font également des recherches sur des thèmes transversaux, des lieux, des nationalités ou des groupes ciblés de victimes. Par conséquent, aujourd’hui, tous les contenus des documents pouvant être intéressants à des fins de recherche, de documentation et de formation sont indexés.
Pourtant, référencer ces informations prend beaucoup de temps et, considérant les millions de documents, il s’agit d’une tache titanesque. Nous soutenons l’activité de nos employés en interne grâce à des coopérations avec des partenaires qui travaillent les fonds sélectionnés, si possible en utilisant des procédés OCR pour la reconnaissance automatique des textes. Les projets d’entreprises comme le portail de recherche généalogique Ancestry veillent également à ce qu’autant de documents soient consultables aussi vite et facilement que possible : en 2019, Ancestry a traité des listes de passagers de sites de détention ainsi qu’un immense fonds comportant des listes provenant des Alliés à propos d’anciennes victimes, de manière à ce qu’une recherche simple en ligne soit possible. De plus, à partir de 2020, nous mettrons en place des projets de Crowdsourcing au cours desquels des personnes volontaires pourront nous aider à indexer des données. Cela nous aide et offre aux écoles et à d’autres institutions la possibilité de s’engager dans la lutte contre le sort des victimes du national-socialisme par une commémoration active qui a un sens pour la société.
Conserver le patrimoine
Les documents se trouvant des les Archives d'Arolsen étaient des outils de travail souvent utilisés, et ce, avant qu'ils ne soient numérisés. Chercher, copier, ouvrir et ranger... cela laisse des traces. La restauration des documents usagés fait partie de nos tâches centrales afin d'assurer le patrimoine mondial de l'UNESCO.
Certaines étapes importantes ont déjà été réalisées : plus de six millions de documents sont déjà désacidifiés. L’emballage de qualité archive est également très avancé. En outre, ce que l’on appelle cadastre des dommages est très important. Il régule les documents à protéger en urgence de toute dégradation supplémentaire et sert de base à la collecte de fonds pour la conservation des fonds. Le budget attribué aux Archives d’Arolsen est limité. Le programme spécial pour la préservation du patrimoine culturel est particulièrement utile. Ces dernières années, ce programme, mis en œuvre par le délégué du Gouvernement fédéral à la culture et aux médias et par la Fondation culturelle des États fédéraux, a permis de réaliser les restaurations et désacidifications nécessaires.
Être plus rapide que la dégradation : désacidification
La désacidification du papier est un procédé courant pour la conservation dans les bibliothèques et les archives. Différentes variantes existent pour cela. Par exemple, les restaurateurs peuvent exécuter un procédé de masse pour de grandes quantités de documents, via un bain de solvant anhydre. Ce bain neutralise les acides dommageables contenus dans le papier en raison de l’ancienne production industrielle. Après le traitement chimique, le papier résiste plus longtemps à la déchirure et produit moins de substances corrosives.
Trois mois pour 301 000 documents
L’exemple des documents de soins en provenance de sites de détention autrichiens montre de quelle manière les documents sont restaurés. Ils datent des années 1947 à 1952 et contiennent de nombreuses photos de sites de détention. Les Archives d’Arolsen n’ont pas leur propre atelier de restauration mais travaillent en collaboration avec des experts externes.